Ce dimanche 4 octobre, nous étions 25 Amivaliens à nous retrouver entre l'église et la mairie de Saint Aubin sur Gaillon à 10 heures pour notre traditionnelle "balade de rentrée".

Jean Marie avait prévu deux activités pour cette journée:

Randonnée dans le bois communal de Brillehaut le matin


Visite du château de Gaillon à 14 heures après un pique nique dans les jardins hauts du dit château

Nous nous dirigeons donc en convoi vers le parking des Marnières, point de départ de la balade.

l'itinéraire choisi, parmi les trois proposés par l'administration communale de Saint Aubin sur Gaillon sera celui du "carabe violet". Ce coléoptère des bois et forêts de couleur noirâtre avec des reflets métalliques violets se cache le jour pour chasser la nuit limaces et vers.


Nous prenons donc le sentier montant qui va nous conduire au cœur de la forêt et nous faire découvrir des curiosités répertoriées sur la carte. Nous ne sommes pas seuls dans la forêt : de nombreux ramasseurs de champignons sont à l'œuvre et nous observons avec envie les paniers pleins de cèpes et autres russules ... Nous ne sommes pas venus pour ça, nous n'avons ni le matériel, ni le temps et ne pouvons nous disperser! Ce ne seront pas les joies de la cueillette dans nos rangs mais bien plutôt les joies des retrouvailles et la tchatche ira bon train du début jusqu'à la fin à tel point que nous ne verrons pas passer le temps et serons étonnés d'être déjà arrivés au but, une fois les 5,7 km parcourus!


Nous remontons dans les voitures avec la consigne précise de ne pas nous diriger vers le parking du château en suivant les flèches mais, en se dirigeant au nord vers la partie haute de la ville, de rejoindre l'esplanade qui le domine.

Nous découvrons alors une vaste terrasse où nous garons les voitures. Elle offre une vue dégagée, superbe, vers l'est et la vallée de la Seine au loin. A droite le château et au premier plan son aile nord, transformée au fil des siècles et actuellement passablement délabrée, même si la restauration est en cours. On peut imaginer dans l'angle nord-ouest le Pavillon Delorme, châtelet cantonné de quatre tourelles, aujourd'hui arasé et qui donnait accès par un pont-levis franchissant le fossé à la cour de l'Orangerie, cette vaste étendue que nous voyons en contrebas.


A gauche, le Pavillon Colbert, en partie ruiné, même si la couverture a été refaite, construit vers 1700 par l'archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV, s'élève sur les vestiges de l'ancienne Orangerie du XVIème siècle qui s'ouvrait au premier étage sur la terrasse du jardin haut (Celle que nous occupons). Ce pavillon dû à Jules-Hardoin Mansard, en cours de restauration, s'étendait bien au delà vers l'ouest. Une galerie couverte le reliait initialement à la Tour de la Sirène par un pont jeté sur le fossé.

Le parc attenant, situé au nord, sera idéal comme cadre pour notre pique nique. Ce parc à l'état naturel n'a plus rien à voir avec le jardin historique au plan géométrique rigoureux du XVIème siècle!


Le repas va être précédé par un instant solennel : la remise des cadeaux de départ du service de l'Education Nationale à notre collègue Patrick Dessertene qui a fait valoir ses droits à une retraite bien méritée! Ces cadeaux des Amivaliens tournent pour la plupart autour de la passion de Patrick pour la peinture acrylique à laquelle il va pouvoir désormais consacrer une grande partie de son temps devenu libre! Nous trinquons comme il se doit à ce collègue qui rejoint le groupe pléthorique des retraités en quittant celui, malheureusement bien dégarni (!!), des "actifs" de l'Association!


Une fois le pique-nique consommé, dans des conditions météo idéales, il est temps de rejoindre le château pour la visite organisée. Il s'agit de la dernière visite de l'année, le château fermant ses portes pour la période hivernale!

Le guide nous prend en charge dans le châtelet (Pavillon d'Entrée) et nous emmène dans l'avant-cour (entre le Pavillon d'Entrée et la Galerie aux Cerfs) pour nous exposer l'histoire de l'édifice.



En 1262, Eudes Rigaud, archevêque de Rouen, obtient le château médiéval du roi Louis IX en échange des moulins de Rouen et de 4000 livres. Le château devient la propriété perpétuelle des archevêques et leur résidence d'été. Le cardinal Guillaume d'Estouteville (1400(?) 1483), archevêque de Rouen et Abbé du Mont Saint Michel, relève la forteresse démantelée par les Anglais.

Au début du XVIème siècle, s'amorce de manière éclatante le mouvement qui va renouveler les conceptions architecturales et décoratives, bouleverser le monde de l'art en passant sans transition du Moyen-âge à la Renaissance. 

Le cardinal Georges d'Amboise, archevêque de Rouen, premier ministre de louis XII (règne de 1498 à 1515), légat du Pape, vice-roi du Milanais en 1500, transpose sur les bords de seine, au Château de Gaillon, sa vision de l'Italie, où l'ont amené les missions que lui confie le roi de France, et son espoir déçu d'accéder à la papauté. Architectes, peintres, sculpteurs, venus d'Italie, passés par les bords de la Loire ou issus des grands chantiers rouennais, transformeront en quelques années le château médiéval et son domaine en véritable palais, entouré de jardins.

Les successeurs de Georges d'Amboise conserveront l'essentiel de son œuvre, y apporteront quelques modifications ou extensions, mettant au goût du jour les jardins et les bâtiments qui s'y rattachaient.

De 1691 à 1707 Jacques Nicolas Colbert, second fils du Ministre Colbert s'occupe du château.

Jules Hardoin Mansard modifie les bâtiments XVIème du jardin haut et les étend vers l'Ouest en orangerie.

La galerie de Charles de Bourbon est remplacée par une galerie a deux niveaux et les jardins hauts sont recomposés par André Le Nôtre


Parvenu intact jusqu'à la Révolution, la vente des Biens Nationaux provoquera le dépeçage du château, dont quelques éléments seront sauvés, rachetés en 1801 par Alexandre Lenoir pour son "Musée des Monuments Français" et remontés partiellement à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris.


Un établissement pénitentiaire est construit entre 1812 et 1827 sur les ruines du château. Devenu propriété privée en 1919, le château de Gaillon, parvenu à un état de ruine dramatique, est acquis par l'Etat en 1975, après une longue procédure judiciaire. Depuis cette date, d'importants travaux de restauration sont menés sur le monument.

A l'heure actuelle, seul le pavillon d'entrée a été rétabli dans son état d'origine. Seule concession à la modernité : l'impressionnante charpente en béton armé que nous découvrirons au troisième étage.


Le guide nous conduit d'abord au premier pour nous montrer l'exposition puis au deuxième pour nous présenter la maquette du château au XVIème siècle. Ce petit chef d'œuvre, réalisé à partir de dessins d'époque, a demandé à son auteur, l'artiste maquettiste Hervé Arnoul, détenteur du titre de "Meilleur Ouvrier de France" en 2011, 1400 heures de travail! Ce précieux témoignage permet de constater (et de déplorer!) toute la splendeur perdue depuis la Révolution!





Nous redescendons dans l'avant-cour et nous arrêtons devant la Porte de Gênes. Celle-ci donnait accès à la cour d'honneur en traversant l'aile sud du château : la Galerie aux Cerfs. Elle comportait initialement, en 1503-1504, une galerie ouverte vers le nord, surmontée d'un étage et d'un haut toit d'ardoises percé de lucarnes. L'élévation nous est donnée en son centre par la dite "Porte de Gênes" , véritable arc de triomphe à décor de feuilles stylisées, de caissons à rosaces, de corniches à l'antique ( Monument édifié à la gloire du souverain suite à la prise de Gênes par Louis XII à la tête d'une armée de 50000 hommes en 1507). Les colonnes de la galerie sont ornées d'un treillis à décor d'hermine (N'oublions pas qu'il s'agit là de l'emblème d'Anne de Bretagne, épouse successive de Charles VIII, mort sans enfant, et de Louis XII dont Georges d'Amboise était le premier Ministre!). Ces colonnes reposent sur des bases encore gothiques, très proches de celles de la galerie du château de Blois.


La Galerie aux Cerfs constituait l'organe essentiel de circulation du château, reliant la Tourelle d'Estouteville à l'ouest, seul vestige apparent de l'Ostel Neuf reconstruit par le cardinal Guillaume d'Estouteville, entre 1458 et 1463, et la Grand Vis à l'est, desservant les trois niveaux de la Grand Maison. De cette Grand Vis ou grand escalier ne subsistent que des dessins qui l'apparentent à celle du château de Meillant. Cet escalier à double hélice, comparable à ceux de Blois et de Chambord, était surmonté d'une figure de Saint Georges terrassant le Dragon en plomb doré.


A la Révolution, la vente des Biens Nationaux provoquera le dépeçage du château, dont quelques éléments lapidaires, dont la Porte de Gênes et les colonnes voisines seront rachetés et ainsi sauvés en 1801 par Alexandre Lenoir, nommé en 1791 Administrateur du "Musée des Monuments Français" par la Convention. Remontés dans la cour du musée parisien, ancien couvent des Petits-Augustins, sous la dénomination d' "Arc de Gaillon", ils sont demeurés 170 ans à cet endroit, devenu entretemps l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. En 1977, ces éléments sont revenus à leur place originelle où nous pouvons les admirer!

Nous traversons "virtuellement" la Galerie aux Cerfs en passant sous la porte susnommée. Nous sommes maintenant dans la Cour d'Honneur avec, au centre d'un précieux dallage en marqueterie de pierres polychromes (gris, noir, blanc et rouge), la magnifique fontaine en marbre blanc à deux vasques commandée aux sculpteurs génois Agostino Solario, Pace Gagini et Antonio della Porta ... la Grande Fontaine de Marbre avait été offerte à Georges d'Amboise, vice-roi du Milanais, par la République de Venise. On remarque à droite, à la base de la fontaine, sur le dessin réalisé par le fameux graveur-architecte Jacques Androuet du Cerceau (1515-1585), la représentation d'un porc-épic, symbole de puissance choisi par le roi Louis XII qui affirmait : "Le porc-épic est intouchable de loin et de près car il lance ses pics". Autre figure intéressante au centre : Saint Georges (Patron de Georges d'Amboise) combattant le dragon!


Bonaventura Mosti s'émerveillera en 1508 en affirmant que ce château serait "le plus beau et le plus superbe lieu qu'il y ait dans toute la France". A l'invitation du guide, nous ne pouvons qu'imaginer la figure en plomb doré (représentant Saint Georges dans la même action!) qui surmontait la "Grand Vis" dans le coin sud-est de la cour. Et c'est précisément vers ce coin que nous nous dirigeons maintenant pour nous rendre à la Chapelle Basse, la partie supérieure de l'édifice, la Chapelle Haute, ayant été détruite à la Révolution. Nous devons pour ce faire traverser la Petite Galerie Est en applique sur les trois premières travées de cette aile, en raccord avec la Grand Vis. Elle a pu être remontée en utilisant les fragments originaux retrouvés à l'Ecole des Beaux-Arts, avec leur somptueux décors de médaillons, de frises, de clefs pendantes, portées par des piles ornées de trophées, d'arabesques et de candélabres voisinant avec des motifs trilobés encore gothiques. Le guide attire notre attention sur le médaillon d'un empereur romain entouré des symboles de la "Victoire". Cette représentation est caractéristique de cette époque du passage du Gothique Flamboyant à la Renaissance.


A l’échelle d’une petite église, la chapelle du château de Gaillon présente une distribution à deux sanctuaires superposés, avec une chapelle basse (10 x 4,50) destinée aux offices quotidiens et à l’étage, une chapelle plus développée (17,50 x 10,40) dont le décor est confié aux meilleurs artistes français et italien du moment.



Plus qu’une simple chapelle seigneuriale, son ordonnance et l’ampleur de son décor font d’elle une chapelle palatine d’ailleurs desservie par un petit collège de chanoines et dédiée à saint Georges, saint patron de l’archevêque qui en possédait une. La chapelle haute a été entièrement détruite à la Révolution. Malgré les destructions, on sait beaucoup de choses sur cette chapelle haute qui devait être une vraie splendeur. L’intérieur de la chapelle haute, dotée d’un pavement de marbre noir et blanc, se composait d’une nef de trois travées et d’un chœur de deux travées terminées en abside. Ledécor de la chapelle haute en faisait le lieu d’un véritable culte profane dédié à la gloire de la famille. Les murs de la nef étaient peints d’une suite de priants de la famille d’Amboise (à l’exclusion de toute présence féminine). Sur le mur droit les ecclésiastiques (Georges en premier, Amaury, Jean, Louis, Pierre, Jacques et Georges II), et les laïcs sur le mur gauche (avec Charles en premier). Ces peintures, malheureusement disparues, sont attribuées à Andrea Solario, peintre milanais élève de Léonard de Vinci. Les vitraux polychromes du maître-verrier Antoine Chenesson, également perdus à la destruction de la chapelle, participaient à l’éclat de cette décoration et répétaient, autour d’épisodes de l’ancien et du nouveau testament et des figures de prophètes les effigies de la famille. Treize statues en terre cuite polychromes représentant le Christ et les douze apôtres, commandées à l’italien Antonio di Giusto Betti (Antoine Juste), prenaient place dans le chœur de la chapelle. Il en subsiste deux (le Christ et Saint Jacques) conservées dans l’église paroissiale de Gaillon et une tête d’apôtre, sans doute Saint Pierre, au musée du Louvre. La présence du bois était particulièrement importante au sein de la chapelle. Deux vantaux qui constituaient la porte de la Chapelle Haute, un ensemble de stalles marquetées (actuellement dans le chœur de la Basilique Saint-Denis), des prie-Dieu et un ensemble de clôtures ajourées en grande partie reconstituées, qui séparaient la nef du chœur et enveloppaient le sanctuaire. Coréalisation de Nicolas Castille avec Ricardo Carpi, ces dernières évoquent à elle seules l’étroite collaboration franco-italienne au sein de ce chantier d'exception. Ces clôtures sont sculptées sur deux faces, l’une de motifs flamboyants, l’autre aux motifs Renaissance probablement issus de dessins rapportés d’Italie à Gaillon. La clôture séparant la nef du chœur était surmontée d’un ensemble sculpté en bois : une Vierge et Saint Jean encadrant un Christ en croix, se rapprochant d’une composition du jubé de la Cathédrale d’Albi, œuvre de Louis d’Amboise vers 1490-1500. Dans l’abside du chœur se dressait le maître-autel en marbre, orné du retable sculpté par Michel Colombe représentant Saint Georges combattant le dragon (Relief de marbre sauvé par Lenoir pour son musée des Monuments français puis cédé au Louvre en 1818) bordé d’un ensemble de marbres sculptés répondant aux motifs de candélabres, putti et rinceaux de la face Renaissance des panneaux de bois des clôtures. Au-delà des statues colorées, des vitraux, de la polychromie des éléments d’architectures et des peintures murales, la chapelle présentait des tableaux parmi lesquels une Déploration du Christ d’Andrea Solario, Huile sur bois, vers 1508-1509, Département peinture - musée du Louvre. Ce tableau a été découvert dans la chapelle du château de Tanlay.


Nous ne verrons donc que la chapelle basse, couverte d'une remarquable voûte d'ogives à clefs finement sculptées et découpées, entourée d'un déambulatoire extérieur, supportant autrefois la chapelle haute établie sur toute la largeur disponible.

Il est temps maintenant de nous diriger vers la "Galerie sur le Val" attenante à la chapelle basse.


Rappel d'un point historique tout d'abord : C’est le décret impérial du 16 juin 1808 qui déclare qu’une maison centrale sera établie pour les départements de l’Eure, l’Eure et Loir, la Seine-Inférieure, la Somme et l’Orne. Rapidement, c’est le département de l’Eure qui est choisi pour établir cette maison centrale à cause de sa position centrale par rapport aux autres départements. Le préfet Rollant Chambaudoin est chargé de trouver le bâtiment qui abritera la maison centrale dans son département. Ce doit être un édifice déjà existant, il n’a jamais été question de construire une maison centrale neuve. Le préfet fait plusieurs propositions au ministre de l’Intérieur : le couvent des Jacobins à Evreux, l’abbaye Saint-Sauveur, l’abbaye de Bonport et le château de Gaillon. La dernière proposition est rapidement préférée pour des raisons de sécurité. En effet, la proximité de la ville de Gaillon permet l’envoi de secours rapides à la maison centrale en cas d’incendie, de révoltes… Un décret impérial du 3 janvier 1812 institue donc la maison centrale de détention de l’Eure dans le château de Gaillon.


Cette maison centrale ouvre ses portes le 4 novembre 1816. Elle accueille des hommes, des femmes mais également des enfants. Ces détenus doivent subir, comme dans toute autre maison centrale, une peine supérieure à un an. Il peut s’agir de condamnés correctionnels (par exemple une condamnation pour vol) ou des prisonniers criminels (crimes plus graves comme le meurtre). Il y a même eu quatre cas de prisonniers politiques condamnés entre 1856 et 1857. Il n’y a aucune séparation dans cette maison centrale que ce soit pour les catégories de détenus, l’âge et même le sexe au début de cette maison centrale. Un quartier pour femmes se mettra en place rapidement, les mineurs des deux sexes seront également placés dans ce quartier. Les détenus ne sont jamais seuls. En effet, la journée se passe dans les ateliers, le réfectoire ou la cour, et la nuit dans des dortoirs. Pour éviter toute « contamination » des condamnés relativement « innocents » par des récidivistes, la règle du silence est appliquée à partir de 1839 comme dans toutes les maisons centrales, sauf dans les ateliers pour les ordres de travail.

Une école s’est mise en place dans la maison centrale, dans un premier temps réservée aux jeunes détenus, elle s’est ensuite élargie aux femmes puis aux hommes. L’enseignement se faisait par un détenu plus compétent que les autres avant l’embauche d’un enseignant libre pour la maison centrale et la colonie des Douaires. Toute infraction au règlement donne lieu à une punition sous la forme d’un certain nombre de jours passés au cachot. Les raisons les plus fréquentes des punitions dans la centrale de Gaillon sont celles liées aux jeux de hasard, interdits dans les maisons centrales, le refus de travailler, les insultes au personnel… Ces débordements amènent à des peines de cachot plus ou moins longues. Par exemple un mauvais ouvrage condamne en moyenne à huit jours de cachot, le refus de travail à trois jours.

 

Le travail obligatoire en maison centrale est réalisé à Gaillon dans différents ateliers. Ces ateliers sont de nature diverse, cela pouvait être du domaine du textile, de la cordonnerie, de la brosserie mais nous pouvons y trouver des ateliers plus spécifiques et pointus comme celui des accordéons ou celui pour la réalisation d’objets d’optique et de mathématique.

On construit les bâtiments pénitentiaires Dubut puis Goust ainsi qu'un établissement carcéral pour enfants dans le jardin haut. Cet établissement carcéral pour enfants est transféré aux Douaires, village situé au sud-ouest de Gaillon en 1860. Il s'agit d'occuper les enfants à des activités agricoles dans une très grande ferme administrée par l'Etat. un nouveau bâtiment est construit la même année sur le jardin pour abriter un établissement psychiatrique dont il ne subsiste que le pavillon central, aujourd'hui nommé pavillon du jardin haut. A partir des années 1860, un débat fait son apparition en France, sur le sort des détenus aliénés. Une comparaison est faite avec l’Angleterre qui n’emprisonne pas ses détenus aliénés dans des asiles publics mais dans des asiles spécifiques. Aucune structure de ce type n’existe en France, les condamnés jugés aliénés sont envoyés dans l’asile le plus proche, la surveillance bien plus légère que dans une maison centrale permet à des simulateurs de s’évader facilement. Ce quartier pour condamnés aliénés de la maison centrale de Gaillon répond à ces objectifs de mieux traiter ces malades particuliers et d’éviter les fuites de condamnés.


Ce quartier, unique en France, ouvre ses portes le 17 mai 1876 sous la direction du Dr Hurel qui a écrit plusieurs brochures au sujet de ce quartier et des condamnés aliénés. Ce fut à l'époque une innovation révolutionnaire, car, comme indiqué plus haut, on ne faisait jusqu'alors pas de distinction entre les criminels et les aliénés enfermés dans les mêmes lieux! Ce quartier peut recevoir, à son ouverture, jusqu’à 120 détenus transférés de maisons centrales. Ce n’est pas un asile donc les détenus restent des condamnés de maison centrale et ils doivent travailler. En 1877 la seule tâche qui leur est confiée est celle de l’épluchage de coton. Lors de la fermeture de la maison centrale de Gaillon en 1901, le quartier reste ouvert et prend la dénomination d’asile spécial des condamnés aliénés et épileptiques. Cet asile fermera le 1er juillet 1906. Ensuite, une colonie correctionnelle ouvre ses portes dans ces mêmes locaux en 1908. Le château de Gaillon abritera également une caserne militaire ainsi qu’une prison militaire pendant la Première Guerre Mondiale. L’Etat finira par vendre ce bien le 9 juin 1925. Le château servira enfin de camp d’internement administratif durant l’Occupation et à la Libération.

La Galerie du Val sera défigurée par cette parenthèse carcérale. En effet, on la fermera pour en faire le réfectoire des prisonniers dont le nombre dépassera les 4000!


Aujourd'hui, cette magnifique galerie offrant une vue extraordinaire sur le Val de Seine est en cours de réhabilitation ... Mais que de travail il reste à faire!!!


Le guide nous conduit maintenant dans la Tour de la Sirène. Autrefois couronnée d’une figure de cet être mythique, en plomb doré, c'est l’une des tours d’angle (nord-est) de l’ancien château fort. Bien qu’écrêtée d’un niveau au siècle dernier, elle conserve une part importante du décor Renaissance dont elle a été dotée en 1503. Au rez-de-chaussée ont été établies les cuisines de l’établissement pénitentiaire. Les repas sont fournis par un entrepreneur qui passe un contrat avec l’Etat. Ces repas à base de pain, de soupe, de légumes et pour certains jours de viande, peuvent être complétés par les denrées vendues par la cantine.


Nous traversons maintenant le château pour nous rendre en sous-sol à la hauteur de l'angle sud-ouest. Là se trouvaient les cachots qui ont beaucoup servi pendant la période de fonction carcérale du château ... mais pas seulement, et en particulier à l'époque de la seconde guerre mondiale. Il faut souligner que le château a beaucoup été réquisitionné pour divers usages dans la première moitié du XXème siècle.

1914-1918 : Casernement d'une batterie du 103e régiment d’artillerie lourde dans le Pavillon Colbert, affectation de deux sections d’exclus, déplacement du pénitencier militaire de Saint Omer dans les locaux de la colonie correctionnelle et installation d'un Centre d’Instruction des Sous Lieutenants Auxiliaires (CISLA) de l’infanterie par l'armée belge.

Septembre 1939 : Les refugies espagnols dispersés dans l’Eure sont regroupés a Gaillon puis envoyés avant Noel aux Douaires pour laisser la place au service de santé du 34e régiment d’artillerie.

Début juin 1940 : Installation du dépôt d’artillerie n° 23 au château pour défendre le pont sur la Seine.

Des le 11 juin 1940 : Les Allemands occupent le château. Ils le transforment en stalag pour des prisonniers français et des soldats d’Afrique du Nord.

Début aout 1941 : Les Allemands le mettent a disposition du Gouvernement de Vichy.

Septembre 1941 – février 1943 : Le camp d’internement administratif est créé. On y enferme des "politiques" et des "marchés noirs". Au total, ce sont environ 417 hommes et 177 femmes qui sont enfermés. Le camp est gardé par des gendarmes. Plusieurs transferts vers le camp de Royallieu auront lieu. Pierre Semard et Roger Ginsburger dit Pierre Villon y séjourneront.

Février 1943-fin aout 1944 : réoccupation du Château par les Allemands, à leur demande.

Octobre 44 – Décembre 1945 : 1400 personnes sont enfermées à Gaillon en attendant leur jugement. Ce sont principalement : des collaborateurs, des "profiteurs", des travailleurs volontaires en Allemagne, des délateurs, des miliciens, des engagés dans l’armée allemande. La garde change souvent : F.F.I., police militaire, gardes civils.

Pierre Semard, syndicaliste, secrétaire général de la Fédération des cheminots et dirigeant du PCF, dont il fut secrétaire général de 1924 à 1929 fut emprisonné dans les cachots de Gaillon début 1942 avant d'être transféré à la prison d'Evreux et d'y être fusillé par les Allemands.

Roger Ginsburger, architecte, membre influent du PCF, est arrêté en octobre 1940, transféré comme "dangereux" à la prison de Rambouillet, puis au camp de Gaillon. Il s'en évade le 17 janvier 1942, avec l'aide, entre autres, de sa compagne Marie-Claude Vaillant-Couturier qui deviendra sa femme quelques années plus tard. Il rentre à nouveau dans la clandestinité et poursuit ses efforts en vue de la constitution d'un "Front national pour l'indépendance de la France" ; c'est alors qu'il prend le nom de "Pierre Villon". En 1944, il devient président du Comité d'action militaire du Conseil National de la Résistance. Il aura plus tard quelques démêlés avec les dirigeants du PCF dont Thorez qui, après avoir passé les années de guerre bien à l'abri à Moscou, lui reprochera d'avoir "trop ouvert" le CNR aux organisations non-communistes. Pas rancunier, il sera réélu régulièrement député communiste dans une circonscription de l'Allier avant de mourir en 1980. Alsacien, fils de rabbin, il sera toujours d'une discrétion absolue sur ses origines juives.

Les graffiti laissés par les divers prisonniers mis au secret dans ces cachots au cours des siècles garnissent les murs des cellules que nous visitons. Certains témoignent d'un véritable don artistique.


La visite est maintenant terminée et les Amivaliens se séparent pour regagner leur domicile. Rendez-vous est donné au prochain rassemblement de l'association : le repas traditionnel de janvier.